Au cours de son audition le 2 avril 2025 par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, le président du Conseil national de l’ordre des médecins s’est dit favorable à ce que la fonction du médecin puisse en certaines circonstances justifier qu’il pratique une euthanasie.
Pour respecter la personne dans ses droits et la prémunir de toute souffrance, le Code de déontologie médicale qui avait évolué, notamment en tenant compte des deux dernières lois relatives aux droits des malades en fin de vie (2005, 2016), préconisait déjà les conditions de recours à la sédation, y compris « profonde et continue maintenue jusqu’au décès ».
Il évoluera désormais du point de vue de ses principes. Le médecin n’aura pas l’autorité de contester la demande de la personne qui solliciterait son assistance pour abréger sa vie, au risque d’être poursuivi pour « délit d’entrave » s’il était amené à y faire obstacle.
La clause de conscience lui sera cependant accordée, alors que le Code de santé publique intégrera l’euthanasie et le suicide médicalement assisté aux devoirs et aux bonnes pratiques du professionnel de santé comme s’agissant d’un traitement indifférencié. Toutefois, une question se pose : qu’en est-il du statut d’une clause de conscience dès lors que la loi, avec sa transposition dans la déontologie, érige de nouvelles normes et que, de surcroît, elle n’est pas applicable aux autres intervenants impliqués dans la procédure létale (pharmaciens, soignants non-médecins) ?
Dans la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, la personne peut exprimer son refus d’un traitement ou de sa poursuite. Sa volonté doit être respectée par le médecin. Son obligation est alors de l’informer des conséquences de sa décision et de maintenir la relation médicale selon ce que la personne souhaite.
Désormais, le refus de soin pourrait être accompagné de l’obligation impartie au médecin de donner suite à une demande de mort provoquée, ne serait-ce qu’en indiquant un confrère susceptible de la satisfaire si lui-même s’y refuse (une liste des médecins pratiquant l’acte légal devrait dans ce cas être établie). L’engagement du soin est dès lors doté d’une autre signification s’il peut être compris jusque dans l’acte de mort.
L’avis n°1 du Collectif Démocratie, éthique et solidarités, publié le 3 avril 2025, présente une analyse détaillée des impacts de la proposition initiale de loi relative à la fin de vie rédigée notamment par des universitaires, des professionnels, des personnes malades et des membres représentatifs de la société civile.
La collégialité s’est imposée dans le processus décisionnel notamment d’arrêt et de limitation de traitements actifs en réanimation, d’un soin estimé disproportionné ou comme relevant d’une obstination déraisonnable, ainsi que dans l’indication d’une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès.
Qu’en sera-t-il de ce dispositif d’examen contradictoire d’une demande de mort médicalisée qui a priori devra être considérée comme recevable dès lors que la personne invoque une souffrance insupportable, sans du reste être contrainte de la formaliser par écrit ?
Qu’en sera-t-il de la pertinence des éléments d’arbitrage de la décision intervenant sur un temps limité à 15 jours, sans recours systématique aux éclairages d’un psychiatre et sans validation par un magistrat, ne serait-ce que du respect des formes (l’avis n° 63 du Comité consultatif national d’éthique énonçait que « le juge resterait bien entendu maître de la décision « d’exception d’euthanasie ») ? Sur ce point, les maladies mentales justifient une attention spécifique, pas seulement du point de vue de la faculté de jugement de la personne, mais aussi de l’accessibilité au suivi et aux traitements adaptés. Le recours justifié à l’avis d’un psychiatre ne s’imposera pas.
Source : www.theconversation.com
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Légaliser l’euthanasie ou le suicide assisté serait une brèche en termes de fraternité et de justice sociale. L’expérience des pays étrangers nous apprend que ce sont les plus pauvres et les plus fragiles qui ont le plus recours à l’euthanasie du fait de la défaillance des systèmes de soins et de leur accès. Légaliser la mort programmée, c’est finalement dédouaner l’Etat et la société de leurs responsabilités de solidarité.