L’article unique du projet de loi constitutionnelle examiné et validé le 28 février par le Sénat, prévoit l’ajout d’un nouvel alinéa après l’article 34 de la Constitution : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».
Dans son avis du 7 décembre 2023, le Conseil d’Etat a énoncé un lien très clair entre le projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse déposée par le gouvernement français et la décision « Dobbs » de la Cour suprême des États-Unis du 24 juin 2022, par laquelle la Cour a précisé que la Constitution américaine ne confère pas de droit à l'avortement. C’est pour prendre le contrepied de cette décision que le Président de la République a voulu que soit garantie par la Constitution française la liberté de la femme de recourir à l’IVG.
« Le Conseil d’État considère que la rédaction proposée par le Gouvernement a pour effet de faire relever l’exercice de la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse de la seule appréciation de la femme » (Source : www.conseil-etat.fr).
Cet isolement face à la décision d’une IVG est une forme d’abandon des autorités publiques, face au désarroi que peut connaître une femme dans un moment délicat de sa vie, sans lui fournir d’autre alternative que de mettre fin à la vie qu’elle porte en elle. La liberté qu’on lui offre est aussi le soutien dont on la prive. Après le vote conforme du Sénat (267 voix contre 50), le Parlement est convoqué en congrès lundi prochain. L’interruption volontaire de vie deviendra sûrement une des valeurs de la République. Une avancée politique pour le Président Macron – et il s’en félicite naturellement - mais aussi un vrai recul éthique.
Par ailleurs, en voulant donner à l’IVG un ancrage au sommet de la hiérarchie des normes juridiques le Gouvernement crée également un précédent à partir duquel ils pourraient être nombreux à l’avenir tous ceux qui voudront inscrire « leur liberté » tout en haut du droit français.
Interviewée récemment par France Bleu Alsace, Luisa Attali docteure en psychopathologie et psychologue en gynécologie aux hôpitaux universitaires de Strasbourg, déclarait : « Régulièrement je rencontre des femmes qui sont passées par des établissements de santé où on leur fait écouter les bruits du cœur alors que l'on sait qu'elles sont en demande d'IVG » (source : www.francebleu.fr, site internet consulté le 27 février 2024 à 23h). Ecouter battre le cœur d’un enfant avant sa naissance deviendra-t-il donc inconstitutionnel ou considéré comme un délit d’entrave à l’IVG ?