Jean de Saint-Chéron: «Notre société est aveugle au fléau de la pornographie chez les enfants»

Jean de Saint-Chéron: «Notre société est aveugle au fléau de la pornographie chez les enfants»
Publié le
November 25, 2022

Jean de Saint-Chéron: «Notre société est aveugle au fléau de la pornographie chez les enfants» - Le 28 septembre dernier, le Sénat publiait un rapport sur l'industrie de la pornographie pour dénoncer les ravages de cette industrie. À la suite des récentes affaires «French bukkake» et «Jacquie et Michel», l'essayiste demande à l'État d'agir.

Que le porno soit contraire aux combats que notre époque prétend mener en faveur de la dignité des femmes ou de la protection des enfants n'est plus à démontrer. Nombre d'associations de tous bords, qui pour la plupart n'ont rien de puritain, mettent en garde depuis des années contre l'univers lubrique qui s'étend comme si de rien n'était, comme s'il n'était qu'un gentil divertissement impudique, réponse inévitable à l'énorme désir de jouir qui saisit l'homme, et dont le monde flatte volontiers l'humeur égoïste et frivole. Soulagez-vous de ceci qui vous hante en appréciant les agilités de mademoiselle qui, rien que pour vous satisfaire, s'est soumise à cela en tenue affriolante. Comme c'est charmant. Pourquoi donc faudrait-il lutter contre ce brave plaisir du soir ? C'est que les conséquences de la pornographie ne sont pas drôles: traumatisme des enfants et des adolescents ; dépendance d'un nombre croissant d'«adultes libres et responsables» ; agressions sexuelles de toute nature, y compris au cours des tournages. Humiliante pour les femmes dans l'immense majorité des cas (90% des films contiennent des scènes de violence et de soumission), la gaudriole filmée repose en son principe même sur la promesse de l'assouvissement des fantasmes du consommateur, dont le degré de perversion est sans cesse repoussé, jusqu'à atteindre la frontière des derniers interdits moraux, et du crime (inceste, viol, pédopornographie, etc.).

Notre société exhorte donc d'un côté au respect des femmes et à la protection de l'enfance, de l'autre feint d'ignorer que la cohérence exigerait qu'on lui enlève sa distraction masturbatoire. Mais les amateurs sont trop nombreux, hélas, pour qu'un gouvernement s'y attaque véritablement. Cela supposerait de décider contre la masse énorme d'une opinion plus ou moins honteuse, et néanmoins très accrochée à son machin jouissif. À cela s'ajoutent des intérêts économiques colossaux. La logique capitaliste n'est d'ailleurs pas innocente dans le développement rapide de l'industrie libidineuse, dont l'offre toujours plus porcine crée la demande, ainsi que l'a montré Dany-Robert Dufour, auteur de La Cité perverse. Libéralisme et pornographie (Denoël, 2009, Gallimard « Folio », 2012). Le même Dufour continuait de se lamenter en 2014 : «L'érotisme, de libre et gratuit qu'il était, s'est trouvé pris en charge par la pornographie qui, elle, est aliénée, aliénante et saturée de marchandises (vidéos, gadgets et autres) payantes.» Ainsi faut-il voir dans la liberté illusoire des adultes consentants une servitude volontaire – l'homme esclave de ceux qui lui proposent d'exciter ses passions et ses organes jusqu'à plus soif. Une soif qui revient vite. Bref, on ne veut pas y renoncer.

Source : lefigaro.fr

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Commentaire du CPDH

Alors que la bataille juridique continue pour faire respecter la loi sur l’accès des mineurs à la pornographie, Jean de Saint-Chéron revient sur ce fléau et ses conséquences. Il pointe du doigt la contradiction majeure entre la volonté politique affichée de lutter contre les violences et le laxisme, face aux lobbies internationaux de la luxure (très lucrative par ailleurs). Les sites pornographiques n’ont en réalité aucun intérêt à empêcher les enfants d’accéder à leurs contenus et ils dépensent des trésors d’ingéniosité pour éviter de se conformer à la loi. 

Pour le moment, le Conseil d’Etat a statué en faveur de l’Arcom sur la légalité des mises en demeure pour bloquer 5 sites pornographiques. Mais nous attendons la réponse de la Cour de Cassation sur la QPC (question prioritaire de constitutionnalité) de Pornhub qui veut invalider la loi française. 

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