Plus de quarante-cinq ans après l’adoption de la loi Veil, peut-on parler d’un droit à l’avortement ?
Dans une récente interview, Robert Badinter affirmait que « le premier des droits de l’homme, c’est le droit à la vie »[1]. Pourtant, et bien que le code de la santé publique garantisse « le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie »[2], les enfants à naître semblent exclus de ce premier droit. En effet, années après années, le « droit à l’IVG » est érigé en figure de proue d’un combat féministe. Indéboulonnable.
Pour Simone Veil, le 26 novembre 1974 à l’Assemblée nationale : « L’avortement est toujours, pour la femme qui s’y soumet, un constat d’échec et souvent un drame personnel ». En 1975, la loi qui porte son nom dépénalise l’avortement. A certaines conditions. Interrompre une grossesse, l’interrompre définitivement, mettre fin à la vie d’un enfant à naître, n’est plus susceptible de faire l’objet de poursuites, ni de sanctions qu’elles soient financières ou pénales. Pour autant, les députés de l’époque le souligneront, si la loi « n’interdit plus, elle ne crée aucun droit à l’avortement ». L’objectif mis en avant est de contrôler, d’encadrer l’acte et de limiter la mortalité maternelle.
Une loi pérenne vidée de son contenu
Dans la foulée, 143 députés vont s’accorder pour proclamer « un droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse pour toutes les femmes, en France, en Europe et dans le monde ». Une résolution qui sera adoptée le 26 novembre 2014 par la représentation nationale[4].
Pourtant, comme l’explique Grégor Puppinck, « l’IVG se distinguera toujours d’un droit » et ne « pourra jamais être un « droit fondamental » »[5]. En effet, « un droit vise à garantir la faculté pour une personne d’agir pour son bien en tant que personne humaine. Tout ce que nous reconnaissons comme des droits fondamentaux : penser, s’associer, prier, s’exprimer, sont des facultés par lesquelles chaque individu exprime son humanité. Des facultés que les animaux n’ont pas et qui définissent les droits « humains ». Les droits fondamentaux protègent l’exercice de ces facultés nobles, spécifiquement humaines, ils protègent ce qui en chaque individu réalise son humanité. Ce qui signifie qu’en exerçant ces droits fondamentaux, l’individu s’humanise ». Le juriste interroge : « Peut-on dire qu’une femme s’accomplit et s’humanise en avortant, comme elle le fait en se mariant ou en s’exprimant ? ». Pour lui, « entre un droit fondamental et l’IVG, la différence de nature est patente ». L’avortement ne peut être qu’une dérogation au principe du droit à la vie, car il met en jeu la vie d’un autre qui ne peut pas se défendre.
En outre, il ne s’agit pas d’une liberté que la femme peut exercer seule : elle suppose l’intervention d’un médecin ou d’une sage-femme voire de toute une équipe. Si l’avortement est un droit fondamental, il faut obliger le personnel médical à exécuter l’acte, même s’il entre en conflit avec sa volonté ou ses convictions. « Ce qui permet de mieux comprendre les efforts qui sont faits pour supprimer l’objection de conscience », explique Claire de La Hougue. Elle ajoute : « La liberté de circulation n’oblige personne à me conduire où je veux, la liberté d’expression n’oblige pas un éditeur à me publier mais si l’avortement est un droit fondamental, il oblige le médecin à tuer un bébé ».
Source : genethique.org