Un autosabotage bienvenu. En protestation contre l'obligation de vérifier l'âge des utilisateurs que le gouvernement français cherche à faire appliquer pour protéger les mineurs, les principales plateformes de pornographie ont suspendu, à partir du mercredi 4 juin, l’accès à leurs contenus en France. En lieu et place, elles ont annoncé que les utilisateurs tomberaient sur le visage de Marianne et le slogan : "La liberté n’a pas de bouton off". Une nouvelle qui a sans doute déçu les 20 millions de Français qui visitent chaque mois des sites pornographiques, selon les chiffres du rapport sénatorial "Porno : l’enfer du décor", mais qui doit réjouir les femmes qui souffrent de l’addiction de leur mari à la pornographie.
Une souffrance dont on ne parle pas, ou peu - la pornographie relevant de l’intime -, mais qui touche bon nombre de femmes. "Cela fait dix ans que j’ai un cabinet et je reçois de plus en plus régulièrement des femmes qui souffrent de l’addiction ou de la consommation de leur conjoint", constate Anne-Sixtine Pérardel, conseillère en vie affective et sexuelle, spécialisée dans l'addiction à la pornographie. "Elles ne peuvent pas en parler car elles ont souvent honte mais elles vivent un véritable tsunami quand elles découvrent que leur mari regarde du porno."
Thérèse Hargot, thérapeute de couple et sexologue, auteur de Tout le monde en regarde (ou presque), accompagne aussi des couples confrontés à la pornographie. Elle reçoit de nombreux témoignages de femmes : "J’étais enceinte de notre premier enfant, je l’ai surpris malencontreusement. Ça m’a fait l’effet d’un coup de poignard en plein cœur", confie l’une d’elles, aujourd’hui mère de trois enfants. Un coup de poignard. Un choc. Un tsunami. Les expressions ne manquent pas pour exprimer la profondeur de la blessure et la multitude de sentiments qu’éprouve une femme à ce moment-là. Colère, à la pensée d’être trahie, angoisse, à l’idée de ne plus plaire à son conjoint, perte d’estime de soi, liée à l’humiliation subie…
Un choc qui arrive parfois dans un second temps, lorsqu’une femme comprend l’importance de l’addiction de son conjoint et réalise les dégâts qu’elle engendre dans leur vie conjugale. "La pornographie est tellement banalisée aujourd’hui que certaines femmes ne voient pas tout de suite le problème", explique Anne-Sixtine Pérardel. Des clichés tels que "tout le monde en regarde" ou "les hommes ont des besoins sexuels" sont tellement ancrés dans la société que regarder de la pornographie est devenu une activité banale. "Un jour, ces femmes se rendent compte que ce n’est pas juste un petit porno de temps en temps mais que c’est quotidien, parfois, et que c’est devenu un besoin pulsionnel." Elles comprennent alors pourquoi leur sexualité n’est pas épanouissante, et d’où viennent les attentes de leur conjoint ou les gestes qu’ils reproduisent.
Certains s’en défendent en minimisant leur addiction ou leur consommation – "Je n’en regarde jamais !", "Ce n’est pas si grave !", "Je ne t’ai pas trompé !" – mais nombre de femmes témoignent du sentiment de trahison qu’elles ressentent. Dans la pornographie, "il y a bel et bien un acte sexuel vécu avec d’autres personnes que son conjoint par l’intermédiaire de l’image", souligne Thérèse Hargot. "Si l’on entend par fidélité l’exclusivité sexuelle, celle-ci est objectivement rompue : regarder de la pornographie est une forme d’infidélité."
Source : fr.aleteia.org