Partage de l’autorité parentale entre 4 adultes : « S’investir auprès d’un enfant ne confère en soi aucun droit sur lui » - Un juge aux affaires familiales a accepté le partage de l’autorité parentale entre 4 adultes. Aude Mirkovic, maître de conférence en droit privé, porte-parole et directrice juridique de l’association Juristes pour l’Enfance, décrypte cette décision pour Gènéthique.
Aude Mirkovic : Non, ce jugement ne reconnait pas les 4 adultes comme parents. Il prononce une délégation partage de l’autorité parentale des père et mère de chacun des enfants entre eux. Un adulte investi de l’autorité parentale ne devient pas parent de ce fait car les parents ne sont pas seulement ceux qui exercent l’autorité parentale, ils sont d’abord ceux qui ont donné la vie à l’enfant (biologiquement, ou symboliquement comme en cas d’adoption). Seul l’établissement d’un lien de filiation fait d’un adulte le père ou la mère. D’ailleurs, dans certaines conditions, un membre de la famille, un proche, un établissement ou même le service départemental de l’aide sociale à l’enfance (ASE) peut se voir déléguer l’autorité parentale, et cela ne fait pas de ces personnes, et encore moins de l’ASE, un parent.
AM : Il faudrait voir le jugement en entier car le motif évoqué, à savoir le projet de parentalité construit par 4 adultes, n’est en rien suffisant. Le code civil prévoit la délégation-partage de l’autorité parentale qui consiste à investir un tiers de l’autorité parentale, sans la retirer aux parents. Mais cette mesure doit être justifiée par les besoins de l’éducation de l’enfant (Article 377-1 du code civil) : le désir, le projet des adultes ne justifie pas d’associer des tiers à l’autorité parentale car il s’agit d’une décision grave, qui peut être source de confusion et même de souffrance pour l’enfant et n’est donc justifiée qu’en cas de nécessité.
Dans le cas présent, si le juge s’est fondé sur le seul projet des adultes sans caractériser en quoi les besoins de l’éducation des enfants justifient de partager l’autorité parentale avec non pas 1 mais 2 tiers, chaque enfant se retrouvant avec 4 titulaires de l’autorité parentale à son égard, alors cette décision est contraire à la loi. Elle est aussi contraire à l’intérêt de l’enfant qui a besoin que les rôles soient identifiés autour de lui. Ce n’est pas facile pour un enfant d’accepter l’autorité d’un tiers non parent, et si l’opération vise à indifférencier les adultes parents ou non, alors elle est source de confusion et pourrait même être vécue par les enfants comme une démission de leur statut par les parents, comme une forme d’abandon sous prétexte de les faire entrer dans ce schéma construit entre adultes. Et que va devenir cet arrangement en cas de séparation de ces deux couples ? Est-ce que les deux enfants vont être en résidence alternée non seulement chez leur père et chez leur mère, mais aussi chez ces tiers investis de l’autorité parentale ?
Source : genethique.org