Marie, Nicolas, Lucas. Ces prénoms qui ont tourné en boucle sur les chaînes d'info et les réseaux sociaux sont ceux d'adolescents qui se sont tués, poussés à bout par le harcèlement scolaire qu'ils subissaient.
Ce qu'on appelait autrefois «brimades» ou «taquineries un peu brutales», cette loi de la cour de récré qui a toujours été en vigueur depuis que les cours de récré existent, est en train de devenir un vrai sujet de société grâce à la médiatisation de ces suicides. Le harcèlement scolaire a évolué avec la société et épouse les contours de la modernité; aujourd'hui, si les insultes, les menaces et les coups ont toujours cours, s'y ajoutent le cyberharcèlement et les persécutions sur les réseaux sociaux.
Il convient de définir cette notion de harcèlement scolaire: comme l'explique Emma B*., principale adjointe dans un collège du nord de Paris, il s'agit de persécution, par une ou plusieurs personnes, par périodes répétées. Quand un élève en insulte un autre une fois, «c'est un incident qui n'est pas du harcèlement; c'est vraiment la répétition qui crée le harcèlement», expose-t-elle. Le harcèlement révèle une dynamique d'acharnement sur le long terme. Avec, parfois, des conséquences fatales.
Toutes les générations y sont passées, et vous-même, qui êtes en train de lire cet article, avez-vous peut-être subi ces mauvais traitements. Vous en avez peut-être aussi infligé.
L'école est un creuset des comportements des animaux humains en devenir. C'est un lieu de grande mixité –pas forcément socioculturelle, mais psychologique. Et en dehors des cours, les élèves, souvent livrés à eux-mêmes (les assistants d'éducation, ex-surveillants, ne sont pas toujours assez nombreux), font l'expérience de leur pouvoir, cherchent à établir leur statut. Certains se transforment en harceleurs, d'autres se découvrent un statut de victime, beaucoup traversent cette période avec une relative indifférence et échappent aux sales coups.
Contrairement aux rousseauistes convaincus (je parle de Jean-Jacques) pour qui les humains sont tous de petits anges à la naissance, corrompus par la suite par la société et la culture, il semblerait au contraire que la vie en société (et en famille) ait une mission civilisatrice et contribue à faire des animaux quasi sauvages que nous sommes à la naissance des êtres aptes à se comporter correctement en société et à prendre en considération le plaisir ou la souffrance de l'autre.
Source : www.slate.fr